Ce n’est plus un secret pour personne mais le législateur à la bougeotte ces derniers temps et, annoncée à corps et à cris, la réforme du régime fiscal des sociétés a été finalisée et a commencé à produire ses effets à partir du 1er janvier de cette année. Les mesures de la réforme vont intervenir par phases, un gros paquet en 2018, d’autres suivront en 2019 et la réforme sera accomplie en 2020. Analysons la première vague de nouveautés fiscales et notamment celles relatives à l’abaissement du taux général.
Abaissement du taux nominal
C’est la mesure la plus célèbre, le taux normal de l’impôt des sociétés est effectivement passé de 33% à 29% mais ce n’est pas tout, il continuera sa cure d’amaigrissement jusqu’à atteindre le taux plancher de 25% en 2020. C’est à priori une excellente nouvelle pour l’entreprenariat. Les petites entreprises pourront même désormais bénéficier d’un taux réduit à 20% mais les conditions d’octroi ont été redéfinies. Le volume des dividendes distribués est aujourd’hui sans importance (simplification donc) mais l’ancienne règle dite du “million” (lorsque j’étais encore aux études !) a été étendue puisqu’il faudra désormais qu’au moins un dirigeant ait une rémunération à charge du résultat d’un montant égal ou supérieur à 45.000€.
A défaut, il faut au moins que la rémunération de l’un des dirigeants soit supérieure à la base imposable de la société. Il est évident que ces conditions soulèvent nombre de questions au sein de la masse des entrepreneurs et, malheureusement, certaines erreurs (parfois par simplisme ou raisonnements réducteurs) se propagent. Les lignes suivantes répondront simplement aux questions les plus courantes.
Et si la rémunération n’est pas suffisante ?
C’est ici que les romains s’empoignèrent. En effet, une faveur du fisc, cela se respecte et l’Administration entend le faire savoir ! Aussi, outre la perte du droit au taux réduit, une cotisation complémentaire dite “spéciale” de 5,1% sera réclamée sur l’insuffisance entre la plus haute rémunération de l’un des dirigeants et les 45000€ minimum.
Exemple : Vous n’avez pas droit au taux réduit car la plus importante rémunération de l’un des dirigeants de votre société n’est que de 30.000€ alors que son bénéfice imposable est de 60.000€. Votre société paiera alors 29,58% d’impôts sur son bénéfice imposable soit 17.748€ à majorer de 5,1% sur l’insuffisance de rémunération soit 765€ (45000€-30000€). L’addition fiscale sera donc de 18513€ pour un revenu de 60000€, ce qui correspond à un taux moyen de 30,85%.
Plusieurs sociétés me rémunèrent ?
Dans le cas de sociétés ayant un actionnariat fort proche, voir identique et pour autant qu’au moins la moitié des dirigeants de ces sociétés soient les mêmes personnes, le respect de ce seuil d’émoluments doit s’apprécier au niveau du groupe de sociétés et, dans ce cas-là, la rémunération minimale est fixée à 75.000 euros. Ce n’était déjà pas simple, mais là, ca se complique grandement !
J’ai une start-up qui ne parvient pas encore à me rémunérer. N’existe-t-il pas une tolérance ?
Heureusement, c’est le cas, puisque les sociétés débutantes n’auront pas à subir cette cotisation spéciale durant leurs 4 premières années de vie. Toutefois, si votre société poursuit, ou a repris, votre activité en personnes physiques, c’est la date de commencement de vos activités en qualité d’indépendant dont il faut tenir compte pour les besoins de ce délai.
Exemple :
- Création de votre entreprise sous statut d’indépendant en 2015
- Passage en société en 2018
- La société n’évitera cette sentence qu’en 2018, puisqu’il s’agit de votre 4e année d’activité.
Ma société est dirigée par une autre société
Seules les rémunérations attribuées à des personnes physiques peuvent être prises en considération pour l’analyse du droit au taux réduit. Aussi, si une société est administrée par une autre société (les sociétés de management), celle-ci sera automatiquement exclue du bénéfice du taux réduit et elle sera ipso facto sujette à la cotisation spéciale de 5,1% citée ci-avant.
Source : Loi du 30 juillet 2018 portant des dispositions diverses en matière d’impôts sur les revenus (MB10.08.2018) .
Une dernière pour la route ? Qu’entend le fisc par “base imposable” ?
Vous l’avez lu ci avant, si la rémunération n’atteint pas 45.000€, elle peut se limiter au montant de la base imposable. D’accord, mais de quoi s’agit-il ? Du bénéfice taxable ? Avant ou après les déductions ? C’était jusqu’ici une zone grise mais l’Administration a précisé sa position dans une récente circulaire (Circulaire 2018/C/116 du 22.10.2018).
Elle considère que la “base imposable” correspond au résultat taxable de la société après toutes les déductions (à la toute fin de la déclaration fiscale en somme) mais, majoré de la rémunération déjà prélevée par le dirigeant qui a la plus haute rémunération, ce résultat divisé par 2. En pratique, cela s’appelle la règle des 50/50. Deux cas de figures sont alors possibles :
- La formule : (Base ISoc finale + Plus haute rémunération d’un dirigeant ) / 2
- Soit cette “base imposable corrigée” est supérieure à 45.000€ : Dans ce cas, la rémunération aurait dû être d’au moins 45.000€, ce qui provoque la perte du taux réduit
- Soit cette “base imposable corrigée” est inférieure à 45.000€ : Dans ce cas, la rémunération doit au moins s’élever au montant de cette base imposable corrigée.
Sources :
– QP orale n° 23647, 14/02/2018, Scourneau, Chambre, session 2017-2018, CRIV 54 COM 825, pp. 18 à 20.
– Circulaire 2018/C/116 du 22/10/2018