Au sein de la panoplie des droits réels immobiliers, il existe une bête rare appelée “droit de superficie“, permettant une organisation intelligente de la propriété d’un bien immeuble. Le principe est simple, il s’agit d’autoriser un tiers à construire sur votre terrain avec ou sans redevance (périodique ou unique) mais surtout, pour une durée limitée de maximum 50 ans. Au terme du droit de superficie, le tréfoncier devient alors propriétaire des constructions érigées sur son terrain, sans indemnité. Quelle merveille !
D’abord, quelle est l’idée ?
Vous ne voyez peut-être pas encore où je veux en venir mais ça ne saurait tarder ! Le scénario est simple, prenez un dirigeant lambda, propriétaire d’un terrain nu, qui envisage de concéder un droit de superficie à sa société de management afin qu’elle y construise sa maison personnelle, contre une redevance mensuelle avec l’intention de la récupérer en nom propre après une durée de 20 ans par exemple. A priori, le plan est sans accrocs et s’avère même fiscalement intéressant puisque la société pourra déduire l’ensemble des frais liés à l’habitation, remboursera le crédit subséquent et défiscalisera les intérêts, elle déduira même la redevance éventuelle, récupérera tout ou partie de la TVA sur la construction (en fonction de l’affectation du bien) et le tout reviendra à son dirigeant, au bout du compte, de plein droit et sans indemnité !
La mariée n’est-elle pas trop belle ?
Même si l’opération n’a rien d’illégale en soit, vous imaginez bien que le Fisc n’apprécie guère ce genre de “montages” qu’elle garde bien en ligne de mire ! La jurisprudence est d’ailleurs relativement unanime en la matière puisqu’elle a quasiment toujours donné raison aux agents de l’Administration lesquels ont pour habitude de considérer que le dirigeant, par sa position préférentielle par rapport à sa société, a bénéficié d’un avantage en nature correspondant à la valeur de l’immeuble (à négocier) au moment de l’extinction du droit de superficie. A vrai dire, il est difficile, voir aventureux, de tenter de défendre le contraire puisque, à l’égard d’un tiers étranger à la société, cette dernière n’aurait jamais concédé pareille faveur.
Tout est fichu alors ?
Pas tout à fait !
Tout d’abord, le dirigeant peut toujours décider de vendre son terrain à sa société ultérieurement, par exemple pour des raisons de planification successorale, alors qu’il est largement payé, et ainsi récupérer des liquidités et enregistrer une jolie plus-value non imposable alors que son carré de pelouse a été financé par les redevances périodiques versées (et déduites) par cette même société durant la durée du droit de superficie. Elle passe à la caisse 2 fois en somme, le droit de superficie s’éteint alors ipso facto et il en est fini du risque de taxation d’un avantage en nature mais… si votre intention était de tout recueillir en privé, c’est raté, puisque désormais, le terrain et la maison sont logés dans la société.
Une autre parade ?
Peut-être, au moins en partie ! Rappelons-le, l’opération envisagée n’est en rien illégale. L’élément bloquant réside en la double casquette du tréfoncier (propriétaire du terrain) au moment de l’extinction du droit de superficie. Il ne saurait en effet être question d’un avantage en nature si le propriétaire du terrain n’avait pas été gérant ou administrateur à l’issue du droit de superficie. Il suffit donc de démissionner avant l’échéance, c’est aussi bête que cela. Mais là encore, l’Administration Fiscale n’est pas démunie puisqu’elle pourra considérer que la société a alloué un avantage anormal, imposable à l’impôt des sociétés dans son propre chef, mais c’est déjà nettement moins accablant.